La restauration rapide suffoque : vers une asphyxie fiscale… et structurelle ?

Le secteur de la restauration rapide traverse une zone de fortes turbulences. Malgré des apparences rassurantes, les voyants économiques sont au rouge. Une récente étude Xerfi, commandée par le Syndicat national de l’alimentation et de la restauration rapide (SNARR), révèle une réalité aussi inquiétante que inattendue : sous le vernis de la croissance, les fondations vacillent.

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Une dynamique trompeuse

Avec plus de 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2023 et près de 300 000 emplois directs, la restauration rapide représente un pilier de l’économie française. Sa capacité d’adaptation, son maillage territorial et son accessibilité en ont longtemps fait une locomotive du commerce de proximité.

Mais entre 2021 et 2023, les charges d’exploitation ont bondi de 30 %, notamment sous l’effet conjugué de la hausse du coût des matières premières, de l’énergie, et des salaires. Résultat : le taux de résultat net a été divisé par deux en cinq ans, passant de 5,8 % à 2,9 %.

Pire encore, un tiers des établissements affichaient déjà une rentabilité négative en 2023. Cette tendance ne semble pas s’inverser, malgré l’adoption de modèles digitaux, la diversification des offres ou le recours aux dark kitchens.

Un choc fiscal et social imminent

L’étude Xerfi met également en lumière un horizon chargé de nuages : plusieurs réformes fiscales et sociales pourraient aggraver la situation et provoquer une véritable onde de choc dans le secteur.

  • Hausse potentielle de la TVA à 20 % : si cette mesure se concrétise, elle représenterait une perte de 1,8 milliard d’euros de chiffre d’affaires pour le secteur et 11 000 emplois menacés.

  • Réduction des allègements de charges sociales : l’impact serait de 354 millions d’euros en charges supplémentaires, compromettant la viabilité de près de 4 000 emplois.

  • Doublement de la taxe sur les boissons sucrées (et son élargissement aux boissons édulcorées) : cela entraînerait une baisse estimée à 480 millions d’euros de chiffre d’affaires, impactant de plein fouet les enseignes de snacking et les fast-foods.

  • Détournement des titres-restaurant vers la grande distribution : ce phénomène déjà bien engagé représente un manque à gagner cumulé de 820 millions d’euros, dont 450 millions pour la restauration rapide.

Au total, si ces mesures venaient à s’appliquer pleinement, plus de la moitié des établissements pourraient se retrouver en situation déficitaire, avec des pertes nettes estimées à 1,26 milliard d’euros. Le secteur fait face à un risque systémique inédit.

L’asphyxie de l’offre : un mal plus profond

Au-delà de la pression fiscale et sociale, c’est surtout le déséquilibre de l’offre qui alarme. La fréquentation recule, freinée par la baisse du pouvoir d’achat et le choix croissant des consommateurs pour des repas faits maison ou moins coûteux. Pourtant, de nouveaux concepts et points de vente continuent de se multiplier, même dans un marché déjà fragilisé.

L’inflation alimentaire accentue cette tendance : entre 2021 et 2024, les prix ont augmenté de plus de 20 % selon l’Insee. Les ménages réduisent leurs sorties, réorganisent leurs habitudes, et même un repas à 10 € peut sembler hors budget. Malgré cela, l’expansion du secteur se poursuit, souvent portée par des investisseurs cherchant une croissance rapide, au risque de saturer certaines zones.

Conséquence : la concurrence grignote les marges, fragilise les acteurs locaux et complique la fidélisation des clients. Le danger est de voir se former une bulle semblable à celle de la livraison de repas durant la crise sanitaire, avec pour issue probable des fermetures en cascade.

Revenir aux fondamentaux : structurer plutôt que d’accélérer

Face à cette situation, les dirigeants du secteur sont appelés à changer de paradigme. L’enjeu n’est plus d’ouvrir à tout-va, mais de consolider l’existant, de retrouver du sens et de la cohérence stratégique.

Quelques pistes d’action concrètes :

  • Clarifier le positionnement de l’enseigne : fast casual ? snacking de qualité ? restauration ethnique ? food court ? Il est temps de sortir de l’entre-deux flou.
  • Optimiser les coûts d’exploitation : revoir les contrats fournisseurs, réduire les pertes matières, mutualiser les ressources sur plusieurs points de vente.
  • Améliorer l’expérience client : qualité d’accueil, propreté, rapidité de service, innovation dans les menus… des basiques souvent négligés sous la pression de la rentabilité.
  • Investir dans la montée en gamme : les clients sont de plus en plus attentifs à la traçabilité, à la santé et au local. Miser sur la qualité peut être un différenciateur durable.

Digitaliser avec discernement : automatisation des commandes, outils de gestion, fidélisation… oui, mais sans déshumaniser l’expérience.

Vers un nouveau modèle de croissance ?

Le modèle de la restauration rapide, fondé historiquement sur des volumes élevés et des marges réduites, est à bout de souffle. Une nouvelle équation économique doit être imaginée, plus durable, plus qualitative, et surtout mieux adaptée aux mutations sociétales et environnementales.

Peut-être est-il temps de redonner du sens à chaque ouverture, de ralentir pour mieux repartir. Comme dans la fable de La Fontaine, ce n’est pas toujours le plus rapide qui gagne. Parfois, la tortue rattrape le lièvre, avec rigueur et méthode.  

 

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