Conversation avec Mahé Saltel, fondatrice de l’agence BOMA
insya
mai 20, 2025
Dans un secteur aussi exigeant que la restauration, où les marges sont serrées et la concurrence féroce, chaque décision compte. C’est dans ce contexte que Mahé Saltel a fondé une agence, pensée comme un véritable partenaire des restaurants. Son objectif ? Accompagner les professionnels du secteur dans l’optimisation de leur rentabilité tout en rehaussant l’expérience client. Grâce à une approche mêlant rigueur chiffrée et sens du terrain, Mahé propose des analyses et des stratégies sur-mesure, taillées pour répondre aux réalités de chaque établissement.
Rencontre avec une actrice engagée et passionnée pour une restauration plus performante et durable.
Mahé, quel est ton parcours et ce qui t'a amené à avoir ton agence de consulting dans la food ?
J’ai grandi dans l’Aveyron, dans une famille de limonadiers. Depuis toute petite, j’ai toujours eu une vraie appétence pour l’univers de la restauration. C’est donc tout naturellement que j’ai choisi d’évoluer dans le secteur CHR pour mon activité. C’est un milieu à la fois riche humainement, exigeant et en perpétuelle évolution.
Avant de créer mon agence, j’étais consultante à la BPI France. J’accompagnais des dirigeants de PME innovantes sur leurs enjeux de développement stratégique. Cette expérience m’a permis de développer une solide expertise en stratégie d’entreprise et de me confronter à des problématiques variées, souvent en dehors du monde de la restauration.
Avant ça encore, j’ai été commerciale terrain dans une entreprise de bières artisanales. J’étais donc en contact direct avec les bars et restaurants. Cette expérience sur le terrain m’a donné une vraie compréhension des réalités quotidiennes des restaurateurs, de leurs contraintes, mais aussi de leurs besoins, et de la meilleure façon de m’adresser à eux.
Ces deux expériences, terrain et conseil, ont été très puissantes pour moi. Elles m’ont permis d’avoir une vision complète et de créer une agence de consulting dans la food qui répond vraiment aux besoins des restaurateurs.
Comment décrirais-tu l’agence Boma ?
À travers l’agence Boma, j’accompagne les bars, brasseries et restaurants dans l’optimisation de leurs performances économiques et opérationnelles. Ma particularité, c’est que je ne reste pas derrière un écran : je suis sur le terrain. Je vais en cuisine, je travaille aux côtés des équipes. Ensemble, on rédige les fiches techniques, on pèse, on mesure, on ajuste.
Je construis les coûts matières unitaires de chaque plat et de chaque boisson pour donner une vision claire de la rentabilité réelle de la carte. Je plonge aussi dans les données d’achat : j’analyse le panel de fournisseurs, les ingrédients récurrents dans les recettes, mais aussi les ventes. Cela permet de comprendre ce que veulent vraiment les clients, d’identifier les plats populaires, les plus rentables. Je décortique la carte, je la segmente en catégories et sous-catégories pour repérer les forces, les faiblesses, parfois même des incohérences.
Mon rôle, c’est de faire les analyses que le restaurateur n’a pas toujours le temps — ou l’envie — de faire. Et surtout, de transformer les chiffres en actions concrètes. Mon objectif est simple : lui faire gagner du temps, améliorer sa rentabilité, et lui permettre de retrouver plus de clarté, de sérénité et de liberté au quotidien.
Peux-tu nous rappeler ce qu’est un coût matière et une fiche technique ?
Le coût matière, c’est tout simplement le prix que te coûte un plat ou une boisson avant de le vendre. Pour le calculer correctement, il faut prendre en compte l’ensemble des ingrédients utilisés — et pour ça, on s’appuie sur les fiches techniques.
Une fiche technique, c’est un document qu’on établit en cuisine pour chaque recette. Elle précise le grammage exact de chaque ingrédient, parfois même les étapes de préparation. L’idée, c’est de standardiser les recettes pour éviter les variations d’un service à l’autre, et garantir une vraie cohérence en cuisine. On centralise tout, noir sur blanc.
Ces fiches techniques, croisées avec les données d’achat, permettent ensuite de calculer précisément le coût matière. C’est une base essentielle pour piloter la rentabilité d’un établissement.

Combien de temps dure un projet lorsqu’on décide d’être accompagné par l’agence Boma ?
Lorsqu’un restaurateur décide de se faire accompagner par l’agence Boma, tout commence par un premier rendez-vous d’environ une heure. Ce diagnostic est gratuit, et il a pour but de mettre en lumière à la fois les points forts de l’établissement, mais aussi les axes d’amélioration.
Ensuite, sur environ un mois, j’étudie en détail les coûts matières, les données d’achat et les volumes de vente. À partir de là, je peux formuler des recommandations concrètes, sous la forme d’un plan d’action personnalisé, réaliste et priorisé. Il existe beaucoup d’applications qui permettent d’établir des fiches techniques, mais au final, c’est souvent au restaurateur de tout remplir et il n’y a aucune recommandation concrète ensuite.
Mon rôle, c’est aussi de l’accompagner plus durablement, avec des rendez-vous mensuels ou trimestriels selon les besoins, les envies, et les tendances du moment.
L’entrepreneuriat était-il un chemin naturel pour toi ?
Depuis que j’ai 14-15 ans, j’ai toujours eu cette envie d’entreprendre. L’idée de construire quelque chose de mes propres mains, de créer un projet à moi, ça m’a toujours passionnée. Dans mon entourage proche, il n’y avait pas vraiment d’entrepreneurs, mais je viens d’une famille de limonadiers — mon grand-père, puis mon père ont repris l’entreprise familiale. Alors même si ce n’était pas une démarche entrepreneuriale au sens classique, il y avait quand même cette fibre-là, ce goût pour l’indépendance et la transmission.
Du coup, ça m’a semblé assez naturel de me lancer à mon tour. J’ai eu envie d’expérimenter, de tester des choses. Mon métier, en réalité, il n’existe pas vraiment tel quel. Mais j’ai identifié un besoin énorme — quelque chose qui n’est pas encore totalement conscientisé par les restaurateurs. Ils ne savent pas toujours que ce type d’accompagnement ou de prestation existe. Et je me suis dit : je suis jeune, j’ai envie de contribuer, d’apporter quelque chose… alors pourquoi ne pas créer mon propre métier ?
Quand tu vas sur le terrain, quels sont les principaux défis auxquels sont confrontés les restaurateurs ?
Quand je vais sur le terrain, l’un des premiers défis que je rencontre, c’est la carte. Beaucoup de restaurateurs proposent des cartes à rallonge, avec trop de références, ce qui génère souvent du gaspillage, de la complexité en cuisine, et une rentabilité difficile à suivre. L’autre défi, c’est la formalisation des coûts matières. Ce sont des éléments essentiels, et pourtant, ils sont encore trop souvent négligés.
Je leur rappelle toujours que leur carte, c’est leur principal outil de vente. C’est elle qui parle aux clients, mais c’est aussi elle qui détermine, en coulisses, une grande partie de la rentabilité. Aujourd’hui, avec l’inflation, on ne peut plus se permettre d’approximation : il faut savoir précisément, au centime près, combien coûte chaque plat.
C’est un vrai enjeu de survie. Le métier de restaurateur, c’est aussi, quelque part, un métier de centimier : il faut aller gratter partout, optimiser chaque détail. Et ça commence par une carte bien construite et des coûts bien maîtrisés.

Le gaspillage, est-ce un vrai sujet sur le terrain ?
Les nouveaux restaurateurs qui se lancent sont beaucoup plus sensibilisés avec une réflexion sur l’optimisation. Mais j’ai accompagné des brasseries qui sont implantées depuis 20, 30 ans, et oui, ils servent encore des portions énormes. Quand je vais manger chez eux, il y a du gaspillage dans les assiettes que je vois. C’est un sujet dont il faut parler. Il y a des assiettes qui sont inadaptées et beaucoup trop conséquentes.
Est-ce qu'un sourcing plus local rime avec carte plus chère ?
Quand on fait le choix d’un sourcing plus local, plus proche, ce n’est pas forcément un sacrifice sur le prix — en tout cas, je ne le vois pas comme ça. Oui, c’est vrai, certains produits issus de circuits plus standards, comme ceux qu’on trouve chez Métro, coûtent souvent moins cher. Mais derrière, il y a toute la question de la qualité, du goût, et surtout de l’expérience.
Aujourd’hui, avec l’inflation, les gens sortent peut-être un peu moins souvent, mais quand ils le font, ils attendent quelque chose de spécial. Ils veulent vivre un vrai moment, une parenthèse. Et pour ça, proposer des produits de saison, bien sourcés, avec du sens, c’est essentiel. C’est aussi une manière de se différencier.
Alors oui, parfois, le coût matière peut être un peu plus élevé. Mais si on travaille bien le design dans l’assiette, la présentation, l’histoire qu’on raconte autour du plat, on apporte de la valeur. Et cette valeur, les clients sont prêts à la reconnaître. Pour moi, ce n’est pas un sacrifice : c’est un repositionnement de l’offre, plus cohérent, plus qualitatif, et plus durable.
Quels seraient tes 4 conseils pour nos créateurs de restaurants ?
Ce que m’a appris le terrain, c’est qu’un restaurant ne réussit pas uniquement grâce à de bons plats. Il faut une vision claire, une gestion solide, et une vraie capacité à s’adapter. Si je devais donner quatre conseils à quelqu’un qui se lance dans la création de sa carte, ce serait ceux-là :
- Avoir un modèle économique clair
Avant même de réfléchir à ce qu’il y aura dans l’assiette, il faut savoir comment ton restaurant va générer des revenus. Quel volume tu vises ? À quel prix ? Avec quels coûts ? Cette clarté dès le départ, c’est ce qui te permet d’anticiper, de maîtriser tes marges, et d’éviter les mauvaises surprises. - Connaître ses chiffres
Ce n’est peut-être pas la partie la plus glamour du métier, mais c’est indispensable. Il faut suivre ses coûts matières, ses ratios, analyser régulièrement ses résultats. C’est ce travail d’optimisation continue qui fait toute la différence sur la rentabilité. - S’entourer d’une équipe formée et impliquée
Une carte ne peut fonctionner que si elle est bien exécutée, et ça passe par une équipe motivée, bien formée, avec des process clairs. L’intégration des nouvelles recrues, la transmission des standards, la manière de présenter les plats — tout compte. C’est aussi ce qui garantit une expérience client fluide et cohérente. - Être à l’écoute de son client et faire preuve d’agilité
Enfin, il faut toujours garder l’oreille ouverte. Écouter les retours, suivre les tendances, tester des choses, ajuster en fonction. L’idée, ce n’est pas de se perdre dans l’originalité, mais d’être suffisamment agile pour répondre aux attentes, sans se dénaturer.
Enfin, comment vois-tu l’avenir de l’agence BOMA ?
J’aimerais vraiment proposer des solutions sur mesure. En ce sens, j’ai à cœur de travailler en bonne intelligence avec des experts : des community managers, des photographes, des architectes, des consultants spécialisés dans l’énergie. L’objectif est de travailler en écosystème.
J’aimerais aussi me former à la cuisine. Ce sera pas mon métier mais j’aimerais être la plus pertinente possible pour mes clients.
Merci à Mahé pour cette interview. Découvrez les accompagnements de Mahé sur le site de l’agence BOMA.