Hausse du prix du café : une tendance qui pèse sur la restauration

Chaque matin, des millions de Français commencent leur journée avec un expresso ou un allongé. Mais cette habitude bien ancrée pourrait bientôt peser lourd sur le portefeuille. Depuis plusieurs mois, les prix du café flambent, et les professionnels de la restauration comme les consommateurs en subissent les effets.

Le géant italien Lavazza confie à la presse britannique en 2024 « Nous n’avons jamais vu une telle flambée. »

Alors que l’arabica atteint des niveaux inédits, certains établissements envisagent d’augmenter leurs tarifs ou de réduire les quantités servies. Comment expliquer cette envolée ? Quelles conséquences pour les restaurateurs et les torréfacteurs ? Et faut-il s’attendre à une nouvelle transformation du marché du café ?

Une hausse de prix visible, du champ à la tasse

Le coût du kilo de grains de café a bondi de 15 % depuis le début de l’année 2025, selon les données de Trading Economics. Et cette tendance s’inscrit dans une courbe déjà haussière entamée en 2021. La situation est d’autant plus préoccupante que le café est la deuxième matière première la plus échangée au monde après le pétrole.

En France, les cafés et restaurants doivent jongler avec cette inflation dans un contexte où les marges sont déjà fragilisées. Résultat : dans certaines villes, un café peut désormais atteindre 3,50 €, voire 4 € à Paris. 

Dans un article paru sur France Info, Ludovic Bernard, un torréfacteur parisien qui se fournit directement auprès des producteurs à travers le monde, explique avoir été contraint de répercuter cette hausse sur le prix des paquets, « entre 10 et 15 % ». Et d’ajouter : « Pour nous, c’est quasiment le double. On est entre 30 et 40 % d’augmentation ». Une envolée des prix qui s’explique notamment par la rareté accrue du café : en 2024, le Brésil, premier producteur mondial d’Arabica, a subi d’intenses sécheresses, une situation similaire à celle du Vietnam, deuxième producteur mondial de Robusta.

Des récoltes fragilisées par le climat

L’une des principales causes de cette hausse se trouve à l’autre bout du monde. Le Brésil, premier producteur mondial de café, a vu sa récolte d’arabica diminuer de 1,6 % en 2024, selon l’organisme local Conab. Cette baisse est due à des conditions climatiques extrêmes : sécheresses prolongées, alternance d’épisodes de froid et de chaleur inhabituels.

Au Vietnam, autre géant de la production, la récolte 2024/2025 est également revue à la baisse. Selon l’analyse publiée par la société spécialisée Sucafina, les agriculteurs locaux, confrontés à la pression économique et au manque de main-d’œuvre, réduisent la superficie consacrée au café.

Une demande mondiale qui explose

Pendant que la production fléchit, la demande, elle, ne ralentit pas. Selon l’Organisation internationale du café (ICO), la consommation mondiale a dépassé les 177 millions de sacs en 2024, portée par des marchés émergents comme la Chine, où les importations ont quadruplé en quatre ans.

Cette dynamique pèse sur les stocks mondiaux et alimente les tensions sur les prix. Et le phénomène ne semble pas prêt de s’arrêter : le café s’impose comme un marqueur de mode de vie urbain, notamment chez les jeunes générations.

Les tensions géopolitiques aggravent la situation

Outre les facteurs climatiques et économiques, la logistique mondiale est elle aussi perturbée. Les tensions géopolitiques en mer Rouge, notamment les attaques de navires commerciaux, ont contraint de nombreux armateurs à détourner leurs routes via le cap de Bonne-Espérance.

Ce rallongement des trajets provoque une hausse des coûts de transport de plus de 20 %, selon une étude du cabinet Drewry, cabinet de conseil pour l’industrie maritime. Une répercussion qui se fait sentir jusqu’aux torréfacteurs européens.

Une réglementation européenne plus stricte

À cela s’ajoute une nouvelle contrainte réglementaire. La Commission européenne prévoit l’application d’un règlement interdisant, à partir de décembre 2025, l’importation de produits issus de la déforestation. Le café figure parmi les produits ciblés par cette mesure.

Selon un communiqué officiel de la Direction générale du commerce de la Commission européenne, les entreprises devront désormais prouver que leur café n’est pas issu de terres déforestées après 2020. Une mesure saluée pour son ambition environnementale, mais qui ajoute une pression supplémentaire sur les filières, déjà fragilisées.

Des restaurateurs contraints de s’adapter

Pour les cafés et restaurants français, cette flambée des prix s’ajoute aux autres postes de coûts en hausse : énergie, salaires, matières premières. Certains établissements commencent à ajuster leurs cartes :

  • Suppression du café offert en fin de repas

     

  • Introduction d’un café « filtre » en alternative à l’expresso

     

  • Réduction du grammage des dosettes ou du café moulu utilisé par tasse

     

À cela s’ajoute une vigilance renforcée sur les fournisseurs et les contrats à long terme, afin de sécuriser les approvisionnements.

Vers une redéfinition du rapport au café ?

En 2025, le café, plus qu’une boisson universelle et conviviale, devient un véritable révélateur des déséquilibres climatiques, économiques et logistiques de notre époque.  Face à cette montée des prix, certains acteurs misent sur la qualité, la traçabilité et le commerce équitable. Le G7 a récemment lancé un fonds pour soutenir l’adaptation des producteurs de café au changement climatique, selon Reuters. En parallèle, de plus en plus de torréfacteurs mettent en avant l’origine de leurs grains, les modes de culture et la rémunération des producteurs. L’inflation du secteur, nourrie par des conditions climatiques extrêmes, des tensions logistiques et des régulations plus strictes, révèle la vulnérabilité d’une filière omniprésente dans notre quotidien. Pour les consommateurs, cette hausse rappelle que chaque tasse cache une chaîne d’approvisionnement complexe et parfois fragile.

Conclusion

Le café, bien plus qu’une simple boisson, devient un marqueur de notre époque à la croisée des enjeux climatiques, économiques et sociaux. Boire un café ne sera peut-être plus un geste anodin. Et les perspectives ne sont pas rassurantes : comme le souligne l’économiste Thierry Pouch dans une interview accordée à France Info : « les événements climatiques extrêmes vont devenir de plus en plus récurrents et rendre les récoltes de café moins bonnes chaque année ». « À court terme, je ne vois pas comment le marché pourrait repartir à la baisse », précise-t-il. Professionnels et consommateurs devront ainsi s’adapter à cette nouvelle réalité : traçabilité, changement d’habitudes, offres repensées. 

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