Conversation avec Benjamin Beaussant, fondateur de De La Rosée
insya
mars 24, 2025
Benjamin Beaussant et sa compagne Anna Huchet sont les fondateurs de De La Rosée, un projet à deux facettes : des préparations et condiments à base de miels qu’ils développent et produisent dans leur atelier et, en parallèle, un studio de communication visuelle. Leur concept, leur démarche sincère et leurs produits atypiques ont éveillé notre curiosité. Comme de nombreux entrepreneurs de la food, Benjamin et Anna ont appris sur le terrain au gré de leur passion et du contexte.
Dans cette conversation, Benjamin nous parle de la genèse du projet, des challenges et des défis d’une reconversion. Une conversation passionnante qui montre comment un business prend racines, grandit, se diversifie, dans une cohérence totale.
Benjamin, peux-tu nous raconter comment est né De La Rosée ?
Anne et moi venons du monde de la communication, du marketing et de la mode. J’ai été directeur artistique pendant plus de dix ans et Anna était chef de projet. Cela explique notre affect pour tout ce qui est visuel ! En parallèle, nous avions une passion commune : la cuisine et les voyages.
De La Rosée, c’était un rêve d’abord, une sorte de petit délire entre nous ! Et puis, il y a eu un enchaînement de circonstances. J’ai travaillé en indépendant pour des missions de branding pour des apiculteurs : c’était mon premier pas dans cet univers qui était inconnu pour moi. J’ai rencontré des passionnés aux quatre coins de la France.
Des chefs ont également commencé à me parler de la façon de cuisiner le miel, la manière dont on pouvait l’associer. A la maison, on a commencé à se dire “tiens avec cette recette, je verrais bien un miel de sapin !”. De fil en aiguille, on s’est dit que l’on pourrait développer un projet autour de cela.
Je devais être d’abord seul sur le projet et finalement nous nous sommes lancés à deux.
Avez-vous suivi une formation particulière ?
J’ai suivi une formation de création et de gestion d’entreprise pendant deux mois pour avoir une vision globale de la gestion, de la comptabilité et de l’administratif. J’y ai notamment appris à construire un business plan et à aller chercher du financement.
Côté produit, nous nous sommes formés nous-mêmes. L’enjeu principal a été d’apprivoiser les propriétés physico-chimiques du miel : au-delà de comment il est produit, de comprendre sa composition et comment il va évoluer dans le temps en fonction de la fleur, de la température et de beaucoup d’autres facteurs. Nous avons appris auprès d’apiculteurs, dans des livres, conférences ou traités scientifiques.
Puis, nous avons commencé nos recherches sur les associations et développé nos propres techniques avec énormément d’essais.
Nous nous sommes également formés sur la législation : normes, hygiènes, traçabilité, étiquetage. Nous respectons à la lettre un cahier des charges dans notre laboratoire.
Quelle est votre démarche de sourcing ?
Nous travaillons avec un peu plus de dix apicultrices et apiculteurs indépendants en France, chacun étant dans son terroir. Nous allons plutôt chercher le miel châtaignier dans le Périgord, le sapin en Alsace, la lavande en Provence. Cela nous permet d’avoir la crème du terroir pour nos matières premières. Le matcha, lui, vient du Japon. Mais, nous avons trouvé du yuzu français, dans le sud. Nous avons donc un sourcing précis pour tous nos ingrédients, qui a du sens.
Vous travaillez en couple avec Anna. Comment s’effectue le partage des rôles dans l’entreprise ?
Le fait d’être en couple nous a poussé à scinder les rôles. Nous sommes ensemble du matin au soir et donc il était important de laisser énormément d’autonomie à chacun. Anna est beaucoup à l’atelier pour la production, la mise en pot, le conditionnement, l’étiquetage. Moi, je me charge surtout de la communication et de la commercialisation.
On se rejoint sur les sujets clés comme les développements de nos recettes pour lesquels nous partageons nos pistes et nos recherches.
Qu’est ce qui a été le plus challengeant lors de la création de De La Rosée ?
Lorsqu’on se reconvertit, que l’on fait un métier passion et que l’on n’a pas forcément de références ou de diplômes dans ce secteur, on peut avoir le sentiment de ne pas être légitime. Ce sentiment peut impacter notre recherche de soutiens, de financements, notre manière de convaincre les clients. Ce n’est pas toujours facile de croire en soi lorsque l’on n’est pas chef ou que l’on n’a pas de salle de cuisine.
Nous avons mis un peu de temps à nous dire “ce que l’on fait, c’est super, et on a tout à fait le droit de le faire”. Par exemple, certains clients nous ont dit “les frais de port sont trop chers”. Par peur de ne pas plaire, nous les avons pris à notre charge. Aujourd’hui, nous avons nos tarifs et nos conditions et elles nous semblent tout à fait justes.
Se sentir légitime vient avec le temps, avec des petites victoires : notre première collaboration avec The Social Food, un premier pop up, notre premier client à l’étranger, un message privé d’un client qui nous dit qu’il est devenu addict à nos produits !
Se sentir légitime c’est primordial sur la valeur de ce qu’on donne à notre travail et donc la tarification de ses produits ou d’arriver à dire non à un projet quand il n’est vraiment pas rentable. C’est quelque chose qui touche toutes les dimensions de son projet.
En parallèle, vous avez créé un service de production visuelle et de direction artistique, en quoi est-ce complémentaire ?
Tout à fait, nous avons donné une deuxième facette à De La Rosée. Pendant quatre ans, beaucoup de gens sont venus nous demander qui était en charge de notre site internet, de nos photos, de nos vidéos. Pour De La Rosée, nous l’avions fait de façon assez naturelle compte tenu de notre métier d’avant. Suite à ces demandes, nous trouvions intéressant de développer une partie “studio” chez De La Rosée.
Nous accompagnons des personnes qui débutent dans leur projet. Par rapport à une agence qui a un œil 100% marketing, le fait d’être nous-mêmes entrepreneurs nous permet de beaucoup mieux comprendre notre client. D’ailleurs, au-delà de la création de contenu visuel et texte, nous travaillons aussi avec certaines personnes sur leurs coûts ou leurs prix de revient. Nous nous adaptons à leurs challenges au quotidien.
Quels sont vos prochains défis avec De La Rosée ?
Nous aimerions faire de plus en plus de choses nous-mêmes. Par exemple, nous avons agrandi notre serre pour pouvoir planter des piments l’année prochaine.
Côté distribution, nous sommes présents essentiellement dans les épiceries fines et les coffee shops. Nous pourrions investir dans une force commerciale et développer ce réseau mais pour cela il faudrait envisager d’augmenter nos volumes. Cela implique forcément un fonctionnement plus industriel et des compromis sur le sourcing. Ce n’est pas ce que l’on souhaite. En revanche, développer nos ventes directes via notre site internet est un axe stratégique qui nous plait.
Nous travaillons également à diversifier notre gamme de produits. Pendant six mois nous avons travaillé sur un granola salé. Nous collaborons avec des artisans boulangers près de chez nous qui font du pain bio au levain. Nous récupérons leurs invendus et remplaçons le flocon d’avoine classique par ce pain. Nous avons associé du miso, de l’huile d’olive et un peu miel pour obtenir un granola qui se marie extrêmement bien avec des légumes d’hiver.
Notre activité de conseil et de studio de création nous permet aussi de continuer à travailler artisanalement sur la partie miel et de ne faire aucune concession. C’est un modèle qui nous va vraiment très bien.
En parlant de votre activité de conseil, pouvez-vous partager avec nous 4 ingrédients secrets qui font la réussite d’un porteur de projet dans la food ?
Être en constante évolution : l’actualité, les évolutions des façons de consommer et des réseaux sociaux obligent parfois à réorienter un projet. Il faut avoir une agilité extrêmement forte aujourd’hui car tout va très vite. En tant qu’entrepreneur, on ne peut pas rester dans l’immobilisme. On ne doit pas hésiter à se questionner, à se diversifier, à parfois revoir son projet de départ. Lorsque l’on s’entête, on peut parfois aller dans le mur. Il faut bien sûr avoir confiance en soi et en son projet, mais il faut aussi se remettre en question. C’est un savant mélange entre les deux.
Le « test and learn » n’est pas un mythe : être entrepreneur c’est vraiment essayer, essayer, essayer. On ne pourra jamais reprocher à quelqu’un d’avoir essayé. Les réseaux sociaux demandent aujourd’hui une multiplication de contenu et une communication plus accessible. Nous savions que nous devions mettre plus d’humain dans nos communication. Un jour, j’ai tenté une Story où on s’est pris moins la tête, et elle a très bien marché, on a eu pleins de retours positifs. En communication, il n’y a pas une tambouille, une recette universelle, le mieux est de tester.
Miser sur ses forces : on a tous un talent et on est tous capables de faire quelque chose avec beaucoup plus d’aisance que le ferait n’importe qui. Il ne faut pas hésiter à l’identifier et l’exploiter. Pour De La Rosée, nous avions essayé de démarcher des prospects de façon assez classique en nous déplaçant avec notre valise d’échantillons. Finalement, produire du contenu digital a mieux marché. Cette approche était plus naturelle et donc sans doute plus réussie. Notre stratégie de communication est devenue notre stratégie commerciale.
La cuisine est universelle : tout le monde ne peut pas être un grand chef étoilé. La cuisine, c’est une des bases de la vie de l’être humain et donc, c’est universel. Si vous voulez vous lancer, croyez en vous. La cuisine est à la portée de tout le monde à partir du moment où on se sent d’y avoir envie d’y aller.
Merci à Benjamin pour son temps et cet échange passionnant. Retrouvez les produits De La Rosée sur leur site internet ainsi que plus d’informations sur leur studio de création visuelle.